Le mouvement mondial des femmes


                    
Qu’ont en commun des intellectuelles féministes radicales, des groupes de soutien aux femmes victimes de la guerre, des politiciennes, des associations de mères, de croyantes, d’ouvrières? Peu de choses, à première vue. Or, depuis quelques décennies, des femmes travaillent à tisser des liens, organiser des échanges et donner aux luttes des femmes de partout une structure cohérente. Alors que plusieurs ignorent même son existence, le mouvement des femmes peut aujourd’hui compter sur une expérience, un pouvoir et des réseaux extraordinaires.

Ce livre, fruit de décennies de rencontres, de négociations, d’écoute et de réflexion, retrace les origines du mouvement mondial des femmes, l’étudie dans son extrême diversité et invite toutes les citoyennes engagées à dialoguer les unes avec les autres. C’est le message d’une pionnière aux nouvelles générations de militantes. Antrobus redonne au mouvement mondial des femmes la place qui lui revient dans la mouvance altermondialiste et resitue l’action des femmes dans le monde et dans l’histoire.

Le mouvement des femmes se trouve aujourd’hui à un carrefour entre la protection de gains acquis de haute lutte et la submersion par la vague de la globalisation. À mon avis, la politique et l’action féministes détiennent la clé pour résoudre la crise actuelle qui menace la sécurité des êtres humains partout dans le monde.

Mon avis

Le mouvement mondial des femmes est une vraie perle. S’il est accessible pour tous, il n’en est pas moins complet et pertinent, au point d’être un incontournable pour tous citoyens avertis et j’irais même jusqu’à le recommander aux professeurs qui enseignent dans le très large domaine des sciences humaines désireux d’amener plus loin la réflexion de leurs élèves. Cet ouvrage ouvre à la bonne compréhension du féminisme, de ses combats, de ses idéologies et des chemins, la plupart du temps sinueux, qui l’ont amené à ce qu’on connaît aujourd’hui, autant en Occident que dans les pays du sud. S’il explique clairement les indéniables différences que connaissent les femmes du monde entier, il met efficacement à l’avant-plan l’importance de celles-ci pour avancer vers un seul et même but : le rejet du patriarcat.

L’auteur nous explique que le mouvement mondial des femmes est un mouvement politique reconnaissable et fondé sur une compréhension des conditions sociales dans lesquelles vivent les femmes, qui réagit à des conditions particulières d’inégalité entre les sexes. Il rejette le modèle patriarcal qui aliène les femmes, les marginalise et les isole. En expliquant ce qu’est ce mouvement, l’auteur permet aussi au lecteur de saisir les problèmes sociaux, culturels, politiques, économiques et écologiques qu’a causés l’essor du néolibéralisme. On y met en lumière comment l’essor de ce modèle politico-économique a retiré à l’État une partie de sa capacité à assurer le bien-être de ses citoyens, notamment des franges les plus vulnérables, c’est-à-dire les enfants, les personnes âgées et les femmes. Ce sont donc particulièrement les femmes et généralement les plus pauvres d’entres-elles qui font les frais de la croissance et du développement économique, qui ne rimes pas toujours avec développement humain. L’auteur nous explique les trois façons par lesquelles le néolibéralisme en vient à nuire aux femmes et comment il favorise la montée du fondamentalisme religieux. On y découvre au passage que cette politique a contribué à la prise de conscience de l’influence des rôles des genres sur les politiques gouvernementales et comment elle a permis aux femmes de mieux comprendre le rôle des institutions internationales dans l’élaboration des politiques nationales. Ces derniers points ont ouvert de nouveaux horizons et favorisé un virage important; l’objectif initial constituant à intégrer les femmes dans le développement a évolué vers celui de la reconnaissance de leur capacité d’action en matière de changement social.

Ensuite, lorsque l’auteur finit par faire le tour de la question, elle poursuit en présentant les diverses stratégies comme autant de possibilités d’actions; stratégies militantes, stratégies institutionnelles et stratégies transversales (la recherche, l’analyse et la plaidoirie), avant de faire l’inventaire des priorités contemporaines pour l’avancement de ce combat. D’abord, elle explique qu’il importe de clarifier les rapports entre la subordination des femmes, le racisme, la pauvreté, le déclin des services sociaux, la violence et le militarisme. Pour elle, les priorités sont de trouver un modèle qui permet d’assurer la sécurité des femmes sans les priver de leurs droits fondamentaux, de démontrer comment une violence à la fois patriarcale et raciste sous-tend l’utilisation de la force militaire pour contrer terrorisme et dictature, et de démontrer que le capitalisme se nourrit de l’exploitation du temps, du travail et de la sexualité des femmes. En intégrant production, reproduction et action, une approche «femme, culture et développement» contribuerait à aborder simultanément les questions relatives aux sexe, à l’ethnie, à la religion, à la sexualité et au moyens de subsistance, livrant ainsi une analyse plus nuancée des processus sociaux.

Antrobus termine son ouvrage avec des paroles fortes qui résonnent encore dans ma tête comme un doux écho qui, malgré l’énormité de la tâche qui nous attend, un travail colossal à poursuivre qui souvent décourage, m’a redonné espoir et m’incite à explorer la voie qu’elle nous ouvre. Nous avons besoin d’« un leadership féministe, animé d’une passion de la justice et d’un engagement à changer les choses, à commencer par sois même». Car « il ne peut y avoir de justice sociale sans justice à l’égard des femmes. Pour que la justice devienne réalité, il importe de passer à l’action. Pour l’instauration de la justice, nous devons trouver en nous une source de pouvoir qui ne dépend pas de l’approbation des autres et qu’aucune force extérieure ne puisse ravir ».

Cet ouvrage est sans aucun doute un coup de coeur!! Tous citoyens devraient en faire la lecture!


Auteur:Peggy Antrobus
Éditeur:Écosociété
Collection:Enjeux Planette
Parution: 2007
Pages:303



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