Check-point

 

Auteur: Jean-Christophe Rufin
Éditeur: Gallimard
Collection: folio
Parution: 2015
Pages: 403

Maud, vingt et un ans, cache sa beauté et ses idéaux derrière de vilaines lunettes. Elle s'engage dans une ONG et se retrouve au volant d'un quinze tonnes sur les routes de la Bosnie en guerre. Les quatre hommes qui l'accompagnent dans ce convoi sont bien différents de l'image habituelle des volontaires humanitaires. Dans ce quotidien de machisme, Maud réussira malgré tout à se placer au centre du jeu. Un à un, ses compagnons vont lui révéler les blessures secrètes de leur existence. Et la véritable nature de leur chargement. 


À travers des personnages d'une force exceptionnelle, Jean-Christophe Rufin nous offre un puissant thriller psychologique. Et l'aventure de Maud éclaire un des dilemmes les plus fondamentaux de notre époque. À l'heure où la violence s'invite jusqu'au cœur de l'Europe, y a-t-il encore une place pour la neutralité bienveillante de l'action humanitaire ? Face à la souffrance, n'est-il pas temps, désormais, de prendre les armes ?

Mon avis

Et si l’impartialité d’Henry Dunant n’était plus d’office aujourd’hui ?



Aussitôt plongée dans les premières pages, j’étais déjà tombée sous le charme de la plume de Jean-Christophe Rufin. Initiée avec Check-point, mon tout premier roman de cet écrivain, j’entrevoie déjà son fort potentiel et je ne peu faire autrement que de continuer à explorer sa bibliographie. Peut-être est-ce le début d’une belle histoire d’amour entre moi et sa plume. Enfin bref, Check-point m’a accrochée, m’a marqué.



Rufin nous embarque à l’aventure au volant de deux quinze tonnes, deux camions fatigués par la vie qui peine à démarrer, avec à leur bord quatre hommes et une femme, une poigné de volontaires oeuvrant pour une ONG qui traverse une Bosnie déchirée par la guerre en 1995. Dangereuses, car sinueuses, enneigées et à risque d’éboulis, les routes se parcours de check-point en check-point (points de contrôle en bon français), autrement dit, d’une frontière ethnique à l’autre. Ensemble, les membres de l’équipe traversent les campagnes désertées, tristes et inquiétantes, dans un décor de conflit. La tension entre nos protagonistes est forte, les relations sont difficiles en raison des personnalités très peu compatibles et des motivations personnelles bien trop différentes. Par contre, tous les personnages, Maud en particulier, veulent fuir un mal-être que tant de gens vivent aujourd’hui. Si le roman se veut un triller et une romance improbable, l’auteur pose une question criante d’actualité : comment aider les populations de ces zones de guerre ? Est-ce qu’apporter des vêtements aide véritablement ? Serait-il préférable de leur fournir des armes pour leur permettre de défendre leur droit, leur vie ? L’auteur dépeint effectivement un portrait très authentique et émotif de l’aide humanitaire. Et c’est cette question qui donne autant d’intérêt au roman, elle en est comme l’essence. Au fil de la lecture, nous comprenons les raisons qui ont poussé les personnages principaux à se porter volontaires, d’abord de manière pacifique et neutre, puis bientôt attiré par l’idée de prendre les armes qui peu sembler beaucoup plus concrète à certain. L’auteur a voulu nous démontrer le changement de position de l’aide humanitaire à travers ses personnages. Effectivement, pendant un demi-siècle, l’humanitaire se voulait essentiellement charitable et neutre, car nous avions l’impression que les  conflits étaient lointains, comme l’étaient les populations touchées, et qu’ils étaient l’affaire des gouvernants. Maintenant, avec la mondialisation des communications et du maillage des transports, les distances ont fondu et un individu peut avoir une opinion, se sentir concerné, voir même s’engager dans des conflits qui lui sont totalement étrangers. Lorsque les droits de l’Homme sont touchés, nous sommes tous atteints. Comme le dit si bien Rufin dans sa postface, « celui qui est touché n’est plus l’autre, mais nous-mêmes »! Et comme nous sommes aujourd’hui en mesure d’aller partout, toujours, l’humanitaire n’est plus aujourd’hui qu’une affaire d’ONG, il est devenu très personnel et s’offre à l’expression de toutes les valeurs et idéologies. Avec le temps, la communauté internationale a armé l’humanitaire (Casque bleu), a parachuté des vivres, et l’Amérique a même été jusqu’à bombarder au nom des droits de l’homme ! On a vu des individus initiés aux métiers des armes s’engager dans des conflits qui ne les concernaient pas pour défendre des idées. Plus récemment, on s’est inquiété des jeunes s’exilant pour les mêmes raisons. Bref, l’auteur met parfaitement en scène, tout au long de son roman aux airs de road movie, d’importants questionnements sur l’humanitaire et ses contradictions. Ce livre, parfaitement ancré dans notre époque, nous ouvre tout simplement les yeux.



Un roman brillant qui doit être lu, qui est essentiel à toute bibliothèque, à plus forte raison aujourd’hui alors que nous vivons une drôle d’époque qui se prête aussi bien au désenchantement qu’à l’engagement romantique.  

Commentaires

  1. J'aimerais bien lire "immortelle randonnée, compostelle malgré moi."Jean-Christophe Rufin raconte son parcours sur ce chemin qui facine tout le monde. À Bientôt

    RépondreEffacer
  2. Lorsqu'il sera lu, donne-moi des commentaires!:)

    RépondreEffacer

Publier un commentaire

Messages les plus consultés de ce blogue

Une littérature. Une aventure!

Misère et dialogue des Bêtes de Jean-Marc Desgent