Découvrir Lewis Carroll; Spartiate du non-sense!
Benjamin Lacombe, 2015 |
Le 26 novembre 1865 paraissait la
première édition des Aventures d’Alice au pays des merveilles et je
profite de l’occasion de son 151e anniversaire pour discuter avec
vous de l’œuvre magnifique que Lewis Carroll nous a léguée. Tout d’abord, je
vous le dis franchement, je n’aborderai pas les controverses desquelles il a
été l’objet à travers les époques. D’une part parce qu’il n’est pas question
ici de faire un débat sur un sujet impossible à élucider, car beaucoup trop
vieux. Aussi, il apparaît difficile de faire la lumière sur un débat si mal
documenté, notamment parce que de nombreuses lettres de correspondance ont été
détruites, elles qui étaient peut-être les seules à pouvoir nous y éclairer.
Une théorie plus récente a été développée par Karoline Leach dans son ouvrage Lewis
Carroll, une réalité retrouvée. Elle y avance l’idée que la gouvernante
d’Alice et Carroll étaient amoureux et cela expliquerait sa présence importante
autour des enfants. Voilà, cela étant dit, je ne m’étendrai pas davantage
autour du sujet, ceux et celles qui souhaitent avoir de plus amples
informations, je vous réfèrerais aux multiples biographies de Lewis Carroll,
elles qui offrent une intéressante diversité de points de vue sur cet auteur
controversé.
Alice
est devenue au fil des ans plus célèbre que son créateur, Charles Lutdwidge Dodgson (plus couramment connu
sous le nom de Lewis Carroll). Le roman destiné à l’origine à un jeune
publique, Les Aventures d’Alice au pays de merveilles, peut se vanter
d’avoir été le livre le plus célèbre après
la Bible en Angleterre. C’est peu dire! J’ai d’ailleurs vu chez Strand Bookstore, librairie
assez chouette à New York, au 3e étage, l'étage
des livres rares, dans une vitrine bien gardée, l’une des premières
éditions ; la couverture était rouge et vieillotte, mais tout de même bien
conservée! Je n’ai malheureusement pas pu le feuilleter. Elle était vendue pour
un total de 6 000 dollars américains, avis aux intéressés. Je vous laisse
l’adresse en bas de page. Si vous passez par là, le
coup d’œil en vaut largement la peine. Oui, ce livre a été célébré et
salué de nombreuses fois, mais il est devenu plus qu’une simple histoire pour
enfant, beaucoup en on fait un sujet d’étude. Certains l'ont vu comme un culte à l’enfance, d’autres, comme André Breton,
célèbre poète français et théoricien du surréalisme, s’en
sont autoproclamés héritiers, faisant de l’œuvre originale un courant
littéraire au passage. Aussi, les psychanalystes ont multiplié à maintes
reprises les différentes relectures, démontrant bien la richesse de cette histoire. En effet, cette
œuvre, comme toutes les autres d’ailleurs, témoigne de la complexité de
l’esprit de Carroll. Prenons pour exemple l’un de ses poèmes les plus célèbres,
le Jabberwockeux, il devait
être lu dans un miroir pour en comprendre le sens. C’est là une particularité
de l’écriture de Lewis Carroll, il y avait toujours une
saveur unique dans ses œuvres, voire une touche de jeu, et c'est ce qui
a fait, selon moi, que l’ont s’y soit si souvent intéressé. 150 ans plus tard,
il est encore objet d’étude et je crois que nous pourrons toujours retrouver
quelque chose à ajouter tellement dense est son lègue.
Alice
au pays des merveilles est en effet une œuvre grandiose, que j’ai lue à
plusieurs reprises, et qui à chaque fois m’a fait
vivre un moment magique. Il est intéressant de souligner d’ailleurs que
par son immense succès, elle a ombragé une autre histoire moins connue qui
atteint le sommet du non-sens, je crois. Je parle de La chasse au Snark, un poème qui fait
vivre au lecteur une aventure hors du commun à la recherche d’une mystérieuse
créature moitié requin, moitié escargot.
Lewis Carroll nous y fait découvrir un équipage bien curieux qui s'attaque à
une zone inconnue, avec pour seul outil une carte
vierge, à la recherche du Snark, dans le monde souterrain et fabuleux
que l'on connaît si bien d’Alice. Je ne veux pas vous en dire trop sur le
sujet, car je vais consacrer un article sous peu à cet ouvrage, qui a
nouvellement été réédité sous forme de bande
dessinée. Bref, nous aurons l’occasion d’en reparler, mais je tenais
tout de même à préciser que cette histoire est restée malheureusement trop peu
connue des lecteurs. Pourtant, elle m’a fait rêver, peut-être même plus encore
qu’Alice au pays des merveilles. Si vous aimez rechercher le sens des
histoires, La chasse au Snark est sans doute faite pour vous. Amusez-vous à trouver les énigmes, les allusions
dissimulées, les jeux de mots et les références à l’histoire de l’art.
N'allez pas croire qu'ils sont simples à dénicher, car j'y ai passé des heures
à essayer de comprendre différents aspects et encore aujourd'hui je n'ai pas
tout saisi, loin de là! Aussi, pour ceux qui se sentent courageux, vous pouvez vous attaquer aux recueils de ses
poèmes, dont il existe plusieurs éditions les ayant regroupés. Pour ma part,
j’ai celui du Jabberwocky and other Nonsense
collected poems de l’édition Penguin classics, parue en 2012, et je
l’adore, il va très bien dans ma bibliothèque. Ses dragons
roses embellissent majestueusement sa couverture bleu marin !
D’autres œuvres de Carroll demeurent tristement presque inconnues, comme Sylvie
et Bruno que je n’ai pas encore eu l’occasion de lire, mais il fait
cependant partie de ma Pal. À lire prochainement,
je l’espère!
Ces
œuvres ont effectivement marqué l’imaginaire collectif, si bien qu’il y a de nombreux auteurs qui se sont amusés à écrire des
suites ou des réécritures. J’en nomme quelques-uns qui pourraient vous
intéresser! Les œuvres que je vous présente ici ont su conserver le côté unique de Carroll sans le rendre horrifique
comme beaucoup ont fait. Ce n’est pas mauvais en soit, seulement je ne suis pas
fan «d’Alice aux pays des horreurs», comme le jeu d’American Mcgee’s Alice sorti
en 2000. Bien que je ne m’oppose pas à l’idée, je trouve tristes les
conséquences que ces initiatives ont eues sur l’aura de Carroll. Je trouve que
cela a notamment inutilement assombri le texte original, le rendant plus sombre et psychédélique, et
biaisé au passage la perception de bien des gens qui n’ont pas le roman
officiel de Carroll. Je ne suis pas en train de faire son apologie, juste
peut-être d’émettre une opinion plus positive.
Ses récits sont bien entendu étranges avec leurs drôles de jeux de mots et
leurs délires littéraires, mais nous comprenons vite que nous nous retrouvons
dans la peau d’une petite fille de 7 ans à l’imagination
extrêmement fertile. Les enfants de ces âges nous sortent souvent des
histoires très farfelues. Aussi, lorsqu’on étudie le courant
littéraire du non-sens, on comprend qu’il est une conséquence directe de
l’époque des Lumières.
L’époque
des Lumières (à peu près de 1715-1789) est l’époque de la pensée critique. Il est en gros l’essor de la modernité. Elle a pour conséquence
le rejet de tout ce qui était surnaturel et se dépeint même dans la
littérature. Écrire du fantastique était désormais
moins apprécié, voir même plus du tout convenable, car les gens voulaient
lire sur la vérité critique, dont est issue la première encyclopédie de Didérot et Alembert. Je vous le demande; comment,
dans un monde excluant le surnaturel peut prendre forme le fantastique? La
réponse est simple…elle se trouve dans le rêve.
Dans le rêve, tout est possible, même les choses les plus inimaginables, et il
a le pratique avantage de pouvoir s’expliquer par
la raison. Donc, aussi étrange que cela puisse paraître, les auteurs pouvaient se permettre d’aborder le
fantastique du moment que le protagoniste rêvait ou imaginait. Ainsi, nous
entendons souvent dépeindre un portrait assez sombre des œuvres de Carroll, mais
lorsqu’on les met en contextes, ils deviennent soudainement plus compréhensibles.
Cela n’explique pas tout, bien entendu, mais explique du moins le contexte de l’époque. Autre précision, selon une
étude sur l’auteur, son obsession du renversement, qui est au cœur des thèmes
abordés dans toutes ses oeuvres, s’expliquerait par le fait qu’il bégayait et était
gaucher, deux tares qui à l’époque ont sûrement compliqué son existence. Il a
ainsi dû apprendre à écrire de la main droite, car bien entendu les gauchers
n’étaient pas acceptés. Est-ce véritablement à cause de cela? Peut-être pas ou peut-être
que si. Les questionnements sur Carroll
s’affinent et persistent!
Revenons
à nos moutons, les auteurs qui en ont fait une réécriture… D’abord, je ne peux
pas passer à côté d’Alice in verse, the lost
rhymes of wonderland, de J.T.Holden parue aux éditions Candleshoe
book, en 2011. Livre assez difficile à trouver s’il en est, mais je crois que
vous pouvez encore l’obtenir sur amazone.ca. J’ai eu beaucoup de plaisir à le
lire, l’auteur est doué, même très doué. On
pourrait presque croire que c'est Carroll lui-même. Il est amusant, léger, et superbement illustré par Andrew Johson. L’auteur
exploite les sujets qui demeurent inexpliqués dans Alice, par exemple, qui a
vraiment volé les tartes de la reine des cœurs? Pour ceux qui aiment Alice au
pays des merveilles, ce livre poétique est un
incontournable, il s’ajoute à l’œuvre de Carroll.
Ensuite, la série de Splintered
de A.G.Howard, parue en 2013 aux éditions ABRAMS, est tout aussi intéressante.
C’est l’histoire d’Alyssa, l’arrière-arrière-arrière-petite-fille
d’Alice. Depuis Alice, les femmes de son ascendance sont maudites et par
conséquent atteintes malheureusement de démence. Elle-même croit devenir démente parce qu’elle peut parler aux insectes… Pour contrer ce
mauvais sort, Alyssa doit se rendre aux pays des merveilles. Seulement,
la jeune fille découvre un monde tout autre que celui qu'avait décrit Alice.
Bien plus sombre qu’Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, il
est tout de même beau et enchanteur,
empreint d’une touche de romance. Je n’ai lu que le premier tome, mais j’ai
très de hâte lire la suite.
The looking glasse girl, de Cathy Cassidy, est parue aux éditions Puffin en 2015 pour justement le
150e anniversaire d’Alice au pays des merveilles. L’auteur
est vraisemblablement connu pour sa série les
filles au chocolat. Bien qu’il soit une lecture très agréable, ce
n’est pas une réécriture d’Alice. C’est l’histoire d’une jeune fille qui eut un
accident et se retrouve perdue dans les songes des
pays des merveilles. Mais l’histoire se déroule principalement avant son
accident. Que s’est-il passé ? Quelqu’un l'aurait-elle poussé ? Très bonne lecture, à la hauteur de ce
que l'auteur nous a habitué, mais ne croyez pas que cette histoire
s’inscrit dans l’esprit original de Carroll. Comme vous, le personnage
principal adore l’histoire d’Alice.
Toujours
pour le 150e anniversaire, Gregery Maguire publie After Alice, aux éditions William
Morrow, en 2015. Je n’ai pas encore lu le livre et
je n’ai pas lu la quatrième, et encore moins regardé des critiques sur le Net !
Ce sera un livre-surprise pour moi. Une fois lue, je vous en ferai la critique,
promis !
Et
finalement, il y a la série de manga d’Alice au
pays des cœurs en 6 tomes qui est très bien. C’est l’histoire
d’Alice (elle n’a pas 7 ans comme dans le livre de Carroll, elle est plus
vieille) qui s’endort dans son jardin avant d’être enlevée par un homme-lapin qui l’apporte au pays des merveilles.
Afin de retourner chez elle, elle doit compléter un
jeu…assez étrange, et se retrouve prisonnière d’un monde qui est loin d’être merveilleux.
Voilà,
c’est tout pour cet article. Il y a sûrement d’autres réécritures d’Alice au
pays des merveilles, mais ceux-là dressent un bref portrait de ce que l’on peut
retrouver dans le domaine de la littérature. Enfin, j’espère que cet article
vous a plus et à la prochaine !
Strand Bookstore se situe au coin de
la 12e rue et Broadway (NY), et est facile à trouver!
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